Les éleveurs de volaille britanno-colombiens éprouvés par la grippe aviaire

Mark Siemens est un producteur d’œufs de troisième génération dans la vallée du Fraser en Colombie-Britannique et il se souvient de son grand-père qui lui racontait l’histoire de son combat contre une maladie inconnue qui s’était répandue dans la ferme il y a des décennies, l’obligeant à abattre tout le troupeau.

M. Siemens ne s’attendait pas à devoir faire face à un combat similaire tant d’années plus tard.

Il y a quelques semaines, il a remarqué que certains oiseaux semblaient agités, présentant des symptômes de démangeaisons oculaires, et a déclaré qu’il avait immédiatement appelé l’Agence canadienne d’inspection des aliments.

Le verdict est tombé à la fin de la journée: ses poulets étaient infectés par le variant hautement pathogène H5N1 de la grippe aviaire.

«C’est très triste, et c’est une épreuve difficile à traverser quand on sait qu’on se soucie de ces animaux et qu’on fait tout ce qu’on peut pour les garder en bonne santé et s’assurer qu’on s’occupe d’eux», a confié M. Siemens en entrevue.

Son entreprise fait partie de la quarantaine de troupeaux, la plupart commerciaux, qui a été infectée par la grippe aviaire en Colombie-Britannique cet automne. Les infections se multiplient pendant les saisons migratoires, car les oiseaux sauvages sont considérés comme la principale cause d’infections.

Près de sept millions d’oiseaux ont été abattus dans les fermes de la Colombie-Britannique depuis le printemps 2022.

Il y avait 45 000 oiseaux dans la ferme de M. Siemens, dont 30 000 poules pondeuses et 15 000 poussins.

«C’est une période très émotive et stressante», a affirmé le producteur, dont les granges sont désormais «entièrement vides».

«Et on a l’impression d’avoir cette tâche ardue et écrasante d’essayer de tout recommencer après des années de travail», a-t-il ajouté.

Il travaille maintenant au nettoyage et à la désinfection, en collaboration avec l’agence d’inspection, pour s’assurer que les poulaillers soient désinfectés «du sol au plafond».

L’industrie avicole de la Colombie-Britannique a relevé son niveau de biosécurité à rouge le mois dernier, le niveau le plus élevé.

Une épidémie préoccupante

Shawn Hall, porte-parole de l’Association des producteurs de volailles de la Colombie-Britannique, a déclaré que l’épidémie actuelle est très préoccupante pour les éleveurs de volaille et d’œufs, dont beaucoup dirigent des exploitations familiales et ont la ferme comme seul moyen de subsistance.

La ministre de l’Agriculture, Lana Popham, a déclaré dans un communiqué que la grippe aviaire a un «lourd impact émotionnel» sur les éleveurs de volaille.

«Les éleveurs de volaille de la Colombie-Britannique sont incroyablement résilients, et j’ai vu de mes propres yeux comment ils s’unissent pour se soutenir mutuellement pendant ces temps difficiles», a-t-elle raconté.

Derek Janzen possède une ferme avicole à Langley, en Colombie-Britannique, et dit être «très préoccupé» par la propagation de la grippe aviaire dans les fermes «comme un feu de forêt» cette année.

M. Janzen a affirmé qu’il était toujours hanté par l’abattage de tout son troupeau de 236 000 oiseaux en décembre 2022. Il a mis en place un confinement dans sa ferme, en gardant les portes fermées et en minimisant toute circulation.

«Nous avons essentiellement des camions d’alimentation qui viennent dans la cour pour livrer la nourriture et un camion d’œufs qui vient ramasser les œufs. Et à part cela, nous n’avons pas trop de circulation», a-t-il précisé.

Lui et ses travailleurs utilisent des combinaisons de protection individuelle, des bottes, des gants et des masques de type N95 appropriés lorsqu’ils sont à la ferme, a-t-il indiqué.

M. Siemens affirme lui aussi que l’équipement de protection est la norme dans sa ferme.

Lorsque les infections de grippe aviaire ont commencé dans la région, ils sont devenus vigilants, limitant le nombre de travailleurs sur place et faisant tout ce qu’ils pouvaient pour empêcher le virus de pénétrer dans les poulaillers, a déclaré M. Siemens. Mais ses poulets ont quand même été infectés.

Un risque pour les travailleurs

M. Siemens dit avoir laissé tous ses employés prendre deux semaines de congé pendant cette «période à haut risque», tandis qu’un sous-traitant tiers venait faire le nettoyage, ce qui lui a coûté plusieurs centaines de milliers de dollars.

«Je ne voulais pas faire subir à mes employés la tension émotionnelle que cela implique, mais je ne voulais pas non plus qu’ils aient peur de tomber malades», a-t-il indiqué.

Un adolescent est hospitalisé pour le variant H5N1 de la grippe aviaire, mais les responsables de la santé ont déclaré que l’adolescent n’avait aucun lien avec des fermes avicoles et que l’on ne savait pas comment cette personne avait contracté la maladie.

M. Siemens a confié qu’après avoir souffert de cette perte, il n’avait même pas l’énergie de s’inquiéter du risque pour sa santé.

«En tant qu’agriculteurs, nous courons généralement jusqu’au bout pour essayer de nous assurer que nos animaux restent en bonne santé», a-t-il relaté.

M. Janzen a déclaré qu’il comprenait la douleur que M. Siemens a traversée, se rappelant le jour où des camions remplis de CO2 sont arrivés pour euthanasier les oiseaux. Le superviseur lui avait alors demandé s’il pouvait éteindre les ventilateurs pour permettre au dioxyde de carbone de faire le travail.

«Et à ce moment-là, j’ai un peu perdu la tête. J’ai craqué, j’ai éteint les ventilateurs et je suis sorti de la grange. C’est incroyable. En quelques minutes, ils étaient tous partis», a-t-il confié.

Shawn Hall a déclaré que l’association travaille avec les autorités sanitaires pour minimiser les risques pour les agriculteurs et leurs travailleurs tout en surveillant activement les animaux malades.

«La volaille et les œufs que les Britanno-Colombiens achètent à l’épicerie sont élevés par des fermes de leur région, et nous nous engageons à continuer de fournir des aliments locaux», a assuré M. Hall.

Un peu d’espoir

M. Siemens a reçu des nouvelles prometteuses concernant l’approvisionnement de poussins pour janvier.

«Nous avons hâte de placer des poussins l’année prochaine et après cela, nous recommencerons à avoir des œufs, ce qui sera une journée vraiment excitante ici.»

Mais il reste encore le processus d’indemnisation à compléter avec le gouvernement, qui aidera à payer certaines factures, a-t-il déclaré.

Il dit que son grand-père, qui est arrivé au Canada il y a longtemps en tant que réfugié russe et qui a maintenant plus de 90 ans, lui donne de l’espoir et de la force.

«Nous avons déjà connu cette situation en famille et nous allons nous en sortir à nouveau», a-t-il soutenu.