Une nouvelle législation cause des maux de tête
EMPLOI. Une nouvelle disposition de la loi relative aux travailleurs étrangers temporaires entrait en vigueur le 26 septembre et cause une certaine incertitude chez les travailleurs et les entrepreneurs. Sommairement, la liste de professions éligibles à un traitement simplifié du Québec, qui n’avait jusqu’ici aucune limite, est maintenant plafonnée à 10% de travailleurs étrangers par lieu de travail.
Les professions touchées sont les postes dits « à bas salaire », soit celles dont le salaire horaire est inférieur au salaire horaire médiant de 27,47 $ au Québec. Pour être exempt du 20 % qui est devenu 10 %, le salaire du travailleur doit donc être supérieur à ce chiffre, ce qui pourrait causer d’autres irritants, selon Me Maxime Lapointe, avocat spécialisé en immigration.
« La mesure du fédéral de ne pas traiter les dossiers dans les régions où il y a plus de 6 % de chômage, cette règle du 10 % et de limiter les permis de travail à un an, on revient à comme nous étions avant la Covid », résume-t-il.
Il ajoute que le Québec avait toujours eu recours au « traitement simplifier » pour des emplois jugés en pénurie chronique. « Il y avait donc une série de postes pour lesquels les entreprises ou organisations pouvaient recruter un nombre illimité de travailleurs étrangers et avoir accès à un permis de travail de trois ans. Je me serais attendu que le mode simplifié survive parce que cette liste doit demeurer en vigueur jusqu’en février 2025. Comme le provincial veut réduire le nombre d’immigrants temporaires, il tolère cette ingérence majeure du fédéral dans ce dossier. »
Selon lui, certaines entreprises manufacturières de la région, ayant eu recours à l’immigration pour combler ses besoins de main-d’œuvre au cours des dernières années, pourraient encaisser durement l’arrivée de la nouvelle législation. « Prenons une entreprise de la région qui a 100 employés et qui a 30 opérateurs de machines CNC et qu’ils sont en traitement simplifié, donc 30 % de travailleurs étrangers, du jour au lendemain la limite est de 10 %. Il y a donc 20 travailleurs dont tu ne pourras pas renouveler les permis de travail, lorsque ceux-ci viendront à échéance. Il y a plus de 250 professions dans la liste. »
Difficile de prévoir
Sommairement, Me Lapointe reproche à Ottawa l’arrivée soudaine de la loi et aurait préféré une période tampon pour les entreprises et les travailleurs temporaires. Il craint également les impacts inflationnistes que pourrait avoir la nouvelle législation. « Il y a un risque que le travail au noir augmente, en plus des autres répercussions potentielles. Combien coûtera un panier de fraises s’il faut payer le travailleur étranger qui le cueille à 28 $ de l’heure ? », se demande-t-il.
S’il s’attend à une lourde baisse des volumes d’immigration avec le temps, il demeure conscient que l’immigration cause une pression sur le système, en raison de la non-uniformité des règles entre Ottawa et Québec. « Prenons le cuisinier qui arrive ici avec un permis pour un emploi au Québec. Il vient avec sa femme qui elle, vient avec un permis de travail ouvert qui vient du programme fédéral, avec ses trois enfants qui viennent avec un permis d’études et son épouse va éventuellement accoucher d’un enfant qui sera citoyen canadien en raison du droit de sol. Au départ, le Québec avait dit oui à un travailleur, mais se retrouve à donner des services à six personnes. Il est sûr que ça va décroître avec ces nouvelles mesures. »
Selon lui, le gouvernement ne devrait pas s’ingérer dans le recrutement international des entreprises. « Dans sa propre pénurie de main-d’œuvre, par exemple avec les préposés aux bénéficiaires, le gouvernement du Québec utilise un programme fédéral pour bénéficier d’un délai de traitement favorable. Il ne devrait pas amener des entreprises recruter à l’international avec des fonds publics à coup de 10 missions par année. C’est aux entreprises de déterminer leur pénurie de main-d’œuvre. »
Spécialiste dans le domaine, il estime que l’immigration n’est pas le problème. Il observe plusieurs irrégularités dans les façons de faire de nos gouvernements, ce qui accentue les irritants causés par l’immigration. « Les gouvernements n’ont aucune idée des vrais volumes. Des visiteurs qui entrent ici et ne repartent pas, des étudiants qui perdent leur statut et ne partent pas, des travailleurs qui travaillent pour la mauvaise entreprise, c’est courant. Il faut un examen, une vraie vérification, car plusieurs ressortissants étrangers n’ont plus de statut légal au Canada. Le gouvernement doit rehausser ses critères et s’assurer d’une meilleure conformité des programmes », estime-t-il, en terminant.