Industrie du porc : des producteurs à la recherche de solutions

AGRICULTURE. Un éleveur de porc de Saint-Elzéar vient d’initier une démarche auprès de la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec pour que le porc québécois puisse être abattu et commercialisé hors Québec.

Dans la foulée de la fermeture prochaine de l’usine d’Olymel à Vallée-Jonction, Cécilien Berthiaume souhaite que la Régie suspende le processus d’homologation du renouvellement de la Convention de mise en marché des porcs au Québec récemment ratifiée par les Éleveurs de porcs du Québec et leurs acheteurs, en plus de demander une séance publique pour expliquer un projet d’exportation qui serait soumis par des producteurs.

M. Berthiaume estime que ses échanges avec différents partenaires potentiels permettent d’anticiper qu’un volume de 350 000 porcs par année pourrait être écoulé au Canada et aux États-Unis, à un prix de 8 % supérieur à celui actuellement prévu dans la nouvelle Convention avec les acheteurs. « Nous sommes prêts à faire la démonstration que notre modèle est viable économiquement. Cette option pourrait aussi être intégrée à la convention du plan conjoint. Il faut que la Régie nous donne cette possibilité de commercialiser nos porcs vivants », insiste M. Berthiaume dont l’initiative concerne surtout les producteurs indépendants de toutes les régions.

Il ajoute que l’idée de sortir des porcs vers les États-Unis a émergé l’an dernier et qu’une démarche visant à acheter des parts dans Olymel a aussi été initiée dans le passé, initiative qui n’a pas eu de retour. « Nous avons offert 240 M$ pour ça, mais nous n’avons pas eu de réponse. Les producteurs pourraient être partie prenante d’une entreprise, plutôt que d’avoir une approche de filière porcine. Notre façon de faire a été bonne dans le passé sauf qu’aujourd’hui, elle doit être repensée. »

Détournement temporaire

Sébastien Dion du Groupe Dion est actif dans la mise en marché de bétail agricole vivant, dont le porc, le bœuf, le veau et autres. Il estime lui aussi que des marchés externes existent. « On participe déjà au détournement de certains porcs à partir du Québec. Alors nous avons une ouverture à ce type de projet qui permettrait de garder des fermes familiales en opération. La production porcine étant cyclique, peut-être que dans deux ou trois ans, il y aura un acteur québécois qui voudra ajouter de la capacité d’abattage. »

« L’exportation de 350 000 porcs annuellement procurerait aux producteurs et à l’état une économie à court terme de plus de 1,4 M$. Le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne doit intervenir pour que ces sommes soient réinvesties pour soutenir les fermes familiales en production porcine. L’intervention de l’État est nécessaire pour adapter et exempter certaines dispositions de la convention de mise en marché. Ça se fait dans d’autres productions », insiste-t-il.

Autre raison de sa démarche, Cécilien Berthiaume indique que celle-ci a pour but d’éviter une décroissance de l’industrie porcine au Québec. « La diminution annoncée est d’un million de porcs annuellement. Le programme de retrait actuellement en chantier entrainera inévitablement une décroissance rapide de la production au détriment de dizaines d’entreprises familiales. Le programme est intéressant, mais ce n’est pas une fois en soi.

Enquête publique

L’annonce récente de la fermeture de l’usine d’Olymel à Vallée-Jonction et les façons de faire de l’entreprise laissent plusieurs producteurs songeurs, observe M. Berthiaume qui demande également au gouvernement du Québec de mener une enquête publique sur les pratiques commerciales qui prévalent actuellement dans la filière porcine. » Il faut vérifier s’il n’y a pas présence de collusion ou d’abus de position dominante de la part des abattoirs. Des acteurs de la filière semblent influencer la situation, ce qui a pour effet de diminuer la concurrence sur le marché. Peut-être qu’il n’y a rien de tout ça, mais ayons le cœur net », insiste-t-il.

Il juge que la récente convention est trop favorable aux abattoirs. « Les baisses de l’an dernier, nous avons dû les assumer à mettre nos programmes et l’état. De 2014 à 2020, Olymel a fait 700 M$ de profits. Ce secteur est rentable. On doit travailler autrement. »

Cécilien Berthiaume insiste que sa démarche n’en est pas une contre les abattoirs ou la filière en général. « Notre démarche est parallèle à l’UPA. Des gens estiment ne pas avoir d’écoute avec les Éleveurs du porcs du Québec et ils nous appellent et ont communiqué avec certaines sections régionales de l’UPA. Notre initiative serait intégrée à travers le système de plan conjoint qui existe à l’heure actuelle », précise-t-il.

« Dans ce que l’on vit, il manque beaucoup de transparence. C’est plus facile de connaitre le prix que sont payés les producteurs aux États-Unis qu’ici au Québec. Il n’y a personne qui représente les producteurs qui sont à leur compte ? Ce serait ce regroupement qui le ferait. Ce n’est pas pour faire la guerre à personne. C’est pour un repositionnement. »