Un Beauceron à la barre des Aigles de Trois-Rivières

Une ère est terminée chez les Aigles qui ont annoncé lundi dernier le licenciement de leur gérant Pierre-Luc Laforest.

La nouvelle a secoué le monde du sport à Trois-Rivières. Bien que la fiche démontrait qu’un changement était nécessaire, le natif de Hull de 38 ans avait dirigé l’équipe de la Mauricie dans la Ligue Can-Am depuis ses débuts en 2013.

Il avait réussi à un tour de force l’an dernier. En position de voir leur saison s’écourter, les Aigles ont remonté la pente, ont commencé à gagner sur une base régulière et se sont qualifiés in extremis pour les séries éliminatoires avant de triompher pour remporter le championnat.

Avec un dossier de 13 victoires et 35 défaites, la direction ne semblait ne plus pouvoir attendre. Elle a opté pour changer de capitaine en plein milieu de la saison.

C’est l’instructeur des frappeurs, Maxime Poulin, originaire de Beauceville, qui aura la lourde tâche de renverser la vapeur et d’imiter son prédécesseur : amener les Aigles en séries.

Quelques minutes avant son baptême de feu à titre de gérant par intérim, le principal intéressé avouait avoir des papillons dans l’estomac. En même temps, il avait une pensée pour son bon ami. «Pierre-Luc est la raison pourquoi je suis venu à Trois-Rivières. Ça fait quelque chose de le perdre. Il a amené plusieurs bonnes choses à l’organisation, dont le championnat l’an passé.»

Poulin l’admet: personne ne l’a vu venir, malgré les résultats en-deçà des attentes. Il a lui-même appris la nouvelle durant la soirée. En deux temps, trois mouvements, il était dans sa voiture pour aller à la rencontre de Laforest. «Je voulais savoir ce qui se passait, tant avec lui et l’équipe. On est de bons chums. On a jasé pendant un bon moment», déclare Poulin, précisant qu’aucune amertume ne régnait entre les deux hommes de baseball.

Le principal intéressé affirme qu’il ne changera pas sa façon d’être. Dans l’entourage de la formation indépendante depuis sa fondation, les vétérans du club le connaissent bien.

«Les joueurs doivent comprendre qu’on s’est mis dans cette situation en équipe et qu’on va s’en sortir en équipe. Ce n’est pas la faute d’une personne si on est là en ce moment. On est tous à blâmer. La fiche ne ment pas. Il fallait que quelque chose se passe.»

«Quand on regarde notre dernière séquence, on avait bien fait à notre premier match contre Rockland, on avait une belle énergie. À la deuxième partie, il y a eu un moment qui nous a fait décrocher et on a eu un down. Le baseball, c’est un jeu qui n’a pas de temps. Si on perd en 5e manche, on doit être capable d’aller chercher ce match. Il nous manque de la combativité et je vais essayer d’amener ça.»

Il rencontre son mentor

Si ce n’était pas d’Hal Lanier, Maxime Poulin n’aurait peut-être pas excellé dans le baseball indépendant comme il l’a fait.

Les deux hommes se sont serrés la pince avant le début du premier match de Poulin à la tête des Aigles, mais ils ont fait plus que s’échanger quelques mots de politesse. Lanier ne voulait pas seulement souhaiter bonne chance au nouvel entraîneur-chef de la formation de la Mauricie. Il voulait le féliciter.

Poulin et Lanier se connaissent depuis une quinzaine d’années. Au printemps 2001, le Beauceron de 24 ans à l’époque était un passionné de baseball, mais aucune porte ne s’ouvrait à lui. Jusqu’au jour où il apprend que les GoldEyes de Winnipeg organisent des essais libres. Les joueurs qui auront le plus impressionné la direction obtiendront une occasion de se faire voir au camp d’entraînement.

«Je n’ai pas hésité. J’ai conduit du Québec jusqu’au Manitoba pour arriver à temps aux essais libres. Je voulais jouer. Je me suis dit que c’était ma chance.»

Poulin n’avait pas la tâche facile. Il n’avait que quatre heures à peine pour faire des preuves. Et le gérant n’était nul autre que Hal Lanier, un vieux routier du baseball qui portait une bague des Séries mondiales de 1982 et qui avait décroché le titre de Gérant de l’année dans la Ligue Nationale quatre ans plus tard.

Lanier l’a tout de suite aimé. «J’ai été retenu pour le camp avec un lanceur japonais qui lançait des balles de feu. Et une fois au camp, un des joueurs qui avait un contrat s’est blessé. C’est comme ça que j’ai intégré l’équipe à Winnipeg.»

Poulin n’a pas hérité d’un rôle de second ordre. En huit ans dans le baseball indépendant, l’ancien arrêt-court s’est élevé au rang d’icône à Winnipeg, a participé aux matchs des étoiles, a inscrit des records de franchise et a même vu son numéro être retiré.

«J’ai côtoyé Hal pendant cinq ans. J’ai beaucoup appris de lui et des autres gérants. Ç’a toujours été mon objectif de le devenir. Je restais toujours aux environ et je prenais des notes. Je faisais attention à ce qu’ils disaient ou faisaient», ajoute Poulin, qui prend la peine de souligner l’importance de Lanier dans sa carrière.

L’ancien manitou des Astros de Houston n’a pas oublié son protégé. Loin de là. Encore aujourd’hui, il vante le joueur qu’il était dans les années 2000. «Il a eu une belle carrière à Winnipeg et même l’un des meilleurs que j’ai pu diriger. Il est vraiment intelligent, a une bonne vision, a de la vitesse et un instinct que peu de joueurs ont. Je suis content pour lui de voir où il est rendu. Il a eu une opportunité de devenir gérant et a obtenu sa première victoire à son premier match.»

«Il était même meilleur que certains joueurs que j’avais eus à Houston», prend la peine de souligner Hal Lanier.

La question se pose: pourquoi n’a-t-il jamais percé dans les Majeures ou du moins dans les ligues affiliées? «Car il est Canadien. S’il ne l’avait pas été, il n’aurait pas eu de problème à faire l’une des 30 équipes», conclut-il.