Le nombre de propriétés qui se trouveraient en zones inondables aurait été surestimé

MONTRÉAL — Le ministère de l’Environnement a probablement surestimé le nombre de propriétés qui se trouveraient en zones inondables avec la modernisation de la cartographie, selon des fonctionnaires qui ont également voulu apaiser les inquiétudes que suscitent les nouveaux règlements, vendredi.

En juin dernier, le ministère de l’Environnement estimait que trois fois plus de Québécois vivraient en zone à risque d’être inondée, selon la nouvelle façon de cartographier les zones inondables.

Environ 22 000 logements au Québec sont présentement situés en zone inondable, cartographiée. Avec les nouvelles cartes, 77 000 logements, soit environ 2 % de la population, se retrouveraient dans une telle zone, avait alors estimé le ministère de l’Environnement.

Mais vendredi matin, des fonctionnaires du ministère ont expliqué que ces chiffres seront probablement revus à la baisse.

«L’analyse d’impact réglementaire qu’on va déposer avec les projets de règlements» devrait «démontrer que c’est beaucoup moins que 77 000», a indiqué le sous-ministre adjoint Jean Bissonnette, en expliquant que les différentes communautés urbaines de la province avaient probablement surestimé l’impact des nouvelles cartographies en communiquant avec le ministère au printemps dernier.

Lors d’un breffage technique pour les médias vendredi matin, les fonctionnaires du ministère ne se sont pas prononcés sur le nombre de propriétés qui se trouveront en zone inondable, une fois que les cartes seront complétées.

Valeur des propriétés et assurances

Depuis le lancement, il y a six mois, d’une consultation publique sur la nouvelle façon de cartographier les zones inondables, plusieurs élus se sont inquiétés de l’impact de ces changements sur la valeur des propriétés.

«On se réveille un matin comme ça, avec les valeurs de nos maisons qui descendent, l’incertitude hypothécaire, l’incertitude des assurances», avait par exemple expliqué la mairesse de Pointe-Calumet, Sonia Fontaine, à La Presse Canadienne après avoir consulté les cartes préliminaires en juin dernier.

Plus récemment, l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ) a publié un communiqué dans lequel elle rapporte, elle aussi, craindre l’impact de la future réglementation.

«Les propriétaires de maisons dans les zones nouvellement identifiées comme inondables pourraient rencontrer des embûches majeures pour vendre leur propriété. La perception du risque d’une inondation, même si celle-ci demeure à faible récurrence, peut suffire à décourager les acheteurs potentiels», peut-on lire dans le communiqué de l’APCIQ.

En conférence de presse vendredi, le fonctionnaire du ministère de l’Environnement Jean Bissonnette a tenté de minimiser ces craintes.

«Une revue de littérature scientifique nous permet de constater qu’il y a effectivement une dépréciation» de la valeur des maisons en zones inondables, mais, a-t-il ajouté, celle-ci «ne dure pas dans le temps».

Le sous-ministre adjoint a notamment fait référence à une analyse publiée en 2022 par le groupe de chercheurs Ouranos.

On peut y lire que les propriétés situées dans les zones à risque d’inondation «subissent une dépréciation temporaire de leur valeur marchande variant de 4 % à 8,2 %» et que celles-ci restent également «entre deux et trois semaines de plus sur le marché avant d’être vendues».

Concernant les inquiétudes liées à l’assurance d’une propriété, le sous-ministre adjoint a souligné que les polices d’assurance habitation n’incluent pas automatiquement une protection contre les inondations et c’est d’ailleurs pour cette raison que le ministère de la Sécurité publique offre des indemnisations lors des inondations.

Le risque d’inondation peut toutefois être couvert par un assureur qui offre une protection supplémentaire, appelée avenant, a expliqué M. Bissonnette.

«Au Québec, selon le Bureau d’assurance du Canada, 90 % des propriétaires ont accès à un avenant, mais à peine 60 % en ont fait la demande», a-t-il souligné.

Il a ajouté que «les assureurs ont leurs propres cartes de zones inondables et ils prennent des décisions en fonction de leurs outils» et «ce n’est pas une cartographie de zones inondables» faite par le gouvernement «qui va faire en sorte que les gens ne pourront plus s’assurer».

Quatre couleurs pour quatre types de risques

Actuellement, la cartographie des zones inondables présente des cotes de récurrence de «0-20 ans» et de «20-100 ans», alors que la nouvelle génération de cartes propose une classification avec quatre catégories de risque: faible, modéré, élevé et très élevé.

Chaque risque est associé à une couleur.

À titre d’exemple, «très élevé» correspond à un risque de plus de 70 % d’être inondé au moins une fois sur un horizon de 25 ans et à une intensité de l’eau de plus de 60 centimètres lors d’une inondation.

Chaque niveau de risque correspond à de nouveaux règlements concernant la construction et la rénovation des résidences qui sont situées dans ces zones.

Par exemple, un propriétaire qui possède une maison dans une zone à risque très élevé n’aurait pas le droit de construire une nouvelle résidence ou de reconstruire une maison qui a été détruite.

Nouvel encadrement des OPI

Le ministère de l’Environnement est prêt à revoir certains aspects plutôt impopulaires de la nouvelle réglementation, notamment la partie qui concerne les ouvrages de protection contre les inondations (OPI), comme les digues ou les murs anti-crues.

Selon le plan initial du gouvernement, les quartiers qui sont situés derrière des OPI se retrouveraient automatiquement dans des zones à risque «élevé» ou «très élevé».

Dans sa version actuelle, la nouvelle réglementation indique que ce n’est qu’après qu’une municipalité a réalisé une étude de caractérisation de l’ouvrage de protection que le niveau de risque pourrait être abaissé.

Cette partie du règlement a été critiquée par plusieurs intervenants lors des consultations publiques.

Selon la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), réaliser une étude de caractérisation d’OPI peut prendre plusieurs mois et coûter cher et le simple fait d’apprendre qu’une propriété est située en zone à risque élevé peut provoquer de l’incertitude et de l’angoisse aux citoyens en plus d’avoir un impact négatif sur la valeur des propriétés.

La CMM a donc demandé au ministère de créer une catégorie de risque propre au secteur qui se trouve derrière des OPI, avec un code de couleur différent, pour ainsi éviter que des quartiers se retrouvent injustement dans des zones à risque élevé.

«C’est une recommandation qu’on a trouvé intéressante et qu’on est en train d’évaluer», a expliqué Jean Bissonnette, en précisant que «les maires nous ont fait part de cet enjeu».

Actuellement, il y aurait une trentaine d’ouvrages de protection contre les inondations (OPI) au Québec.

Les prochaines étapes

Les consultations publiques sur la réglementation se sont terminées il y a quelques semaines et le cadre réglementaire devrait être adopté au printemps 2025.

Les fonctionnaires ont indiqué qu’il y aurait une période de plus ou moins six mois entre l’adoption et l’entrée en vigueur du cadre, ce qui mènerait donc à l’automne 2025.

D’ici là, les municipalités doivent créer les nouvelles cartes de zones inondables en suivant la méthodologie du ministère de l’Environnement et les faire approuver par la province.

La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) a déjà mis en ligne des cartes, qui sont toutefois des versions préliminaires.