Obésité: les cellules se ‘souviennent’ du surpoids
MONTRÉAL — Les tissus adipeux conservent une «mémoire» du surplus de poids, ce qui complique encore davantage la tâche de ceux qui essaient de maigrir, a constaté une équipe européenne.
Les chercheurs expliquent que leurs résultats témoignent de «l’existence d’une mémoire obésogène, largement basée sur des changements épigénétiques stables, dans les adipocytes de souris et probablement dans d’autres types de cellules».
«Ces changements, précisent-ils dans la prestigieuse revue scientifique Nature, semblent préparer les cellules à des réponses pathologiques dans un environnement obésogène, contribuant à l’effet ‘yo-yo’ problématique souvent observé avec les régimes.»
Cet effet ‘yo-yo’ est bien documenté dans la littérature scientifique depuis de nombreuses années, a rappelé Benoit Arsenault, qui est professeur agrégé à la faculté de médecine de l’Université Laval.
«On sait que les gens qui ont un poids élevé, qui se mettent dans une situation de déficit calorique (et) qui essaient de perdre du poids, il y en a une partie pour qui ça ne fonctionne pas du tout, mais il y en a une partie pour qui ça fonctionne à court terme, mais au bout de quelques semaines ou quelques mois, les kilos reviennent, et parfois même on reprend un peu plus que ce qu’on avait perdu au début», a-t-il dit.
Les chercheurs européens ont utilisé des techniques de séquençage sophistiquées pour examiner des cellules humaines et murines.
Ils ont ainsi constaté, en comparant des tissus humains adipeux prélevés avant et deux ans après une chirurgie bariatrique, des changements dans l’expression des gènes, notamment ce qui concerne les processus métaboliques, l’inflammation et la signalisation cellulaire.
Les cellules de souris, quant à elles, conservaient une «mémoire épigénétique» qui les prédisposait apparemment à une réponse excessive en cas de réexposition à une alimentation riche en gras. Cela entraînait une prise de poids plus rapide, comparativement aux souris n’ayant jamais été obèses.
On sait que le cerveau a mis en place des mécanismes biologiques pour résister à la perte de poids, a dit le professeur Arsenault, et qu’il s’agit d’une stratégie évolutive: si on ne résiste pas à la perte de poids lors d’une longue famine, la survie pourrait être menacée.
«Mais on ne savait pas qu’il y a aussi des mécanismes dans le tissu adipeux qui est responsable d’emmagasiner notre surplus d’énergie, a-t-il poursuivi. Quand on a un excédent calorique, ce ne sera pas long que la cellule adipeuse va mettre en place des mécanismes pour, justement, favoriser le gain de poids, pour éviter des pertes de poids, parce que notre organisme est programmé contre la perte de poids.»
Plus on étudie le phénomène de l’obésité, plus on en découvre la complexité et plus on réalise qu’il ne sera pas simple de mettre au point un traitement, si c’est seulement possible, a souligné le professeur Arsenault.
Et s’il n’est pas impossible que cette découverte mène un jour au développement de nouveaux traitements, selon lui, son impact à court terme sera fort probablement plus humain que médical.
«Pour le moment, on offre des réponses aux individus qui ont des enjeux d’obésité, a-t-il dit. Un phénomène de perte de poids et de regain de poids peut avoir des conséquences psychologiques très négatives, notamment au niveau de l’estime de soi. C’est important de dire à ces gens-là que ce n’est pas de leur faute, s’ils ne sont pas capables de perdre du poids à long terme.»
De multiples tentatives répétées et infructueuses de perte de poids peuvent avoir un «impact dévastateur sur la santé mentale» des patients, a réitéré M. Arsenault. Une telle étude pourrait donc leur apporter une certaine «paix d’esprit» en les amenant à développer une relation plus saine avec leur corps.
Il faut aussi répéter l’importance de l’activité physique, a-t-il ajouté, puisqu’on verra de multiples bienfaits sur différentes facettes de la santé, même sans perte de poids importante.
«(Cette étude) recadre les attentes des gens envers leur poids et le format de leur corps, a conclu M. Arsenault. Les études sont très claires: la majorité des bénéfices est expliquée par une perte de poids d’environ 5 ou 10 % du poids corporel de départ. Perdre 20 ou 25 % n’amènera pas de bénéfices proportionnels. On parle donc de petits changements qui ont des effets spectaculaires.»