Maladie neurocognitive dégénérative: des décisions inévitables 

SANTÉ. Apprendre à une personne atteinte d’une maladie neurocognitive dégénérative qu’elle ne peut plus prendre soin d’elle-même, ni de demeurer seule à la maison, est une tâche plus que délicate pour le personnel de la santé. Cette situation peut virer au cauchemar pour la famille, qui doit composer avec cette maladie et accompagner leur parent dans une prise de décisions, qui va changer à tout jamais leur quotidien.

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Pour ce présent dossier, j’ai choisi à nouveau de témoigner des décisions fort difficiles que j’ai dû prendre – avec ma famille – pour la sécurité et le bien-être de ma mère, atteinte d’Alzheimer.

« Il n’en est pas question », objecta ma mère à l’équipe multidisciplinaire de l’hôpital, qui l’avait observée pendant quelques semaines en gériatrie, et l’informait que sa maladie dégénérait et qu’il lui fallait rapidement prendre les services du CLSC, si elle voulait continuer à demeurer chez elle.

Selon elle, elle n’avait aucun problème et se sentait même très bien. Oublier un chaudron sur le feu ou de prendre ses médicaments, ça arrive à tout le monde, mais dans son cas, c’était devenu trop récurrent. À cela s’ajoutent les moments d’incontinence de plus en plus fréquents, les distractions au volant de sa voiture qui faisait d’elle une menace pour elle-même et pour les autres, les grippes et les infections qu’elle ne soignait plus, les possibles chutes…

Et l’inévitable arriva…

Je savais que ce moment précis de devoir la placer ou de m’assurer qu’elle obtienne des services du CLSC allait arriver un jour, et que moi et ma famille serions confrontées à prendre des mesures nécessaires pour sa sécurité, car elle n’était plus apte à prendre ses propres décisions.

Après que les observations de l’équipe multidisciplinaire de l’hôpital eurent été rendues, je me suis présentée face à l’infirmière de ma mère, les larmes aux yeux, déconcertée et impuissante, car ma mère avait refusé catégoriquement tous les services que pouvait offrir le CLSC, en prétextant qu’elle était capable de prendre soin d’elle-même et qu’aucun étranger n’allait entrer chez elle et mettre leurs mains dans ses affaires.

Je n’étais pas outillée pour faire face aux multiples décisions que je devais prendre rapidement pour elle. Sa vie autonome, telle qu’elle l’avait vécue pendant plus de sept décennies, allait changer soudainement.

Dans l’attente d’une chambre en CHSLD, que faire ?

L’autre mauvaise nouvelle, la liste d’attente pour avoir une chambre disponible dans un CHSLD était longue : de six mois à un an, rien ne garantissait non plus que ma mère allait être placée dans un établissement de son choix.

En l’espace d’une semaine, nous avons visité quelques résidences pour personnes âgées privées. Heureusement, l’une d’entre elles avait un appartement qui se libérait quelques jours plus tard. Nous avons emballé des boîtes et avons préparé notre mère du mieux que nous le pouvions, à faire face à tous ces changements drastiques dans sa vie qu’elle devait accepter à contrecœur.

Ma mère a bien été prise en charge. Je l’accompagne au mieux de mes connaissances et en respectant – et en acceptant – mes propres limites à faire face à ses conditions neurocognitives et physiques. Ce qui est néanmoins primordial pour moi, c’est de la guider dans le plus grand respect de qui elle est, comme mère et comme femme, qui a le droit d’être considérée dans toute sa dignité, de la soigner comme elle a bien pris soin de sa famille, et de la traiter comme j’aimerais être moi-même traitée si j’étais à sa place.