Améliorer l’acériculture grâce à la génétique

ACÉRICULTURE. L’Association des propriétaires de boisés de la Beauce (APBB) et l’Université du Québec en Outaouais (UQO) ont mis sur pied un projet d’analyse génétique de l’érable à sucre pour améliorer sa productivité et sa résilience.

« C’est une belle journée pour le monde acéricole. Nous embarquons dans l’ère de la génétique de la génomique, au service de l’érable », a déclaré d’entrée de jeu le directeur général de l’APBB, Éric Cliche.

Le tout a été présenté à la plantation Faucher, propriété d’Alain Faucher, à Saints-Anges le 21 août. L’endroit n’a pas été choisi au hasard.

Dans les années 1980, le père de M. Faucher, Marcel Faucher, avait décidé d’étudier le rendement de quelque 200 érables de son érablière pour sélectionner les semences les plus performantes, s’inspirant de recherches américaines sur le potentiel d’amélioration génétique de l’érable à sucre.

Marcel Faucher a ainsi sélectionné 13 arbres particulièrement performants et recueilli 43 000 semences, qu’il a fait germées dans un grand jardin entre 1987 et 1988. Puis, en 1993, il les transplante dans un champ en face de son érablière où ils sont toujours depuis. « Avec ses démarches, M. Faucher nous a sauvé 30 ans de travail, car les arbres sont déjà matures », a souligné le professeur au département des sciences naturelles de l’UQO, Yann Surget-Groba.

Pour Alain Faucher, il allait de soi d’accepter de collaborer. « Cela va directement dans le sens de ce que mon père avait donné au projet au départ. Je n’avais pas le choix d’accepter quand Michaël [Cliche de l’APBB] m’en a parlé vers la fin de 2022. J’ai hâte de voir ce que les résultats vont donner », a-t-il mentionné.

Un autre partenaire dans le projet est le Créneau d’excellence acéricole. « Cette recherche ouvre la voie à des améliorations significatives dans la production acéricole, la croissance et la résistance aux stress climatiques de l’érable », a indiqué le représentant de Chaudière-Appalaches du Créneau, Karl Poulin.

En détail

M. Surget-Groba a comparé le projet à la sélection génétique de vaches pour améliorer la production laitière. « Nous avons commencé, il y a deux ans, par échantillonner tous les arbres pour étudier leur génétique et retrouver de quel érable, parmi les 13 sélectionnés par M. Faucher, sont issus ceux que l’on retrouve dans la plantation », a-t-il expliqué.

Une fois cela complété, vers la fin de l’année, cela permettra aux chercheurs de lier la génétique aux caractéristiques qui sont désirées, comme le taux de sucre. « Nous pourrons aussi mesurer quelle est la proportion du taux de sucre, qui est déterminée par la génétique et celle provenant de l’environnement », a-t-il ajouté.

Si la génétique joue bel et bien un rôle dans la productivité des érables, il sera alors possible de faire de la sélection variétale, c’est-à-dire de croiser des arbres ayant des traits voulus pour les cumuler chez leurs descendants.

Toutefois, il faut 30 ans à un érable pour que celui-ci produise des graines. « C’est ici qu’intervient la génomique. […] Juste en étudiant les gènes d’un individu, nous allons pouvoir déterminer son potentiel. Nous pourrons sélectionner des arbres à l’état de semis et sélectionner ceux avec le meilleur potentiel, sans attendre 20 ou 30 ans », a-t-il détaillé.

Notons que cela pourrait s’appliquer aussi au taux de croissance, à la résilience de l’érable au stress, qu’il soit causé par des conditions météorologiques comme des sécheresses et des gels plus tardifs ou par des insectes et autres parasites.

À l’origine du projet

L’ingénieur forestier Michaël Cliche est celui qui a permis de mettre en contact toutes ces personnes. Il est arrivé à l’APBB en 2018, la même année où la Semaine verte publiait un reportage sur la plantation de M. Faucher. Radio-Canada indiquait alors qu’il s’agissait du « seul cas d’amélioration génétique de l’érable connu au Québec ».

« De la manière que je l’ai perçu, M. Faucher [Marcel] savait pertinemment bien qu’il ne consacrait pas ces milliers d’heures pour lui, que ce n’était pas lui qui récolterait le fruit de ses efforts. Qu’il s’agissait d’un legs pour les générations futures », a-t-il confié.

Quelques années plus tard, M. Cliche complète une maîtrise sur l’érable à sucre. Le professeur Surget-Groba faisait partie de ceux qui ont évalué son projet.

« Je me suis retrouvé au milieu de toutes ces personnes. Toutes les conditions étaient réunies pour reprendre le projet de M. Faucher. Je ne possède pas les connaissances en génétique pour le mener à bien, mais j’ai de l’énergie et je connais les bonnes personnes pour le faire. […] Mes contacts m’ont permis de réunir tous les intervenants et de contacter le Créneau et des équipementiers pour embarquer dans la première phase du projet », a-t-il raconté, en précisant que seulement pour mener la cartographie et le démarrage, il fallait un peu plus de 100 000 $.