De la vidéopeinture à la projection

ART. Suzanne Giroux est une artiste en arts visuels de renommée internationale. Elle a choisi comme canevas la vidéopeinture et ses œuvres sont immersives. Son chemin artistique, elle le trace depuis 37 ans. Son nom est autant connu à New -York, à qu’à Montréal.

Mme Giroux est notamment connue pour sa célèbre découverte d’un corps humain en pivotant le sourire de la Joconde (portrait Mona Lisa par Léonard de Vinci) de 90 degrés et dévoilée à la Foire internationale d’art contemporain de Paris, en 1993.

« J’ai travaillé sur ce projet pendant plus d’un an. En 48 heures, toute la ville de Paris en avait parlé. Mon œuvre a fait le tour du monde », se souvient-elle.

La Georgienne est habitée par tout ce qui est artistique depuis sa plus tendre enfance. Elle a fait de la broderie et du tissage toute sa jeunesse, et a commencé la peinture à l’huile dès ses 14 ans.

Née dans une famille d’entrepreneurs de Saint-Georges, elle a étudié au cégep en sciences pures et se destinait en architecture, mais lorsque le temps est venu pour elle de s’inscrire à l’université, elle a choisi le baccalauréat Arts plastiques à l’Université d’Ottawa. C’est d’ailleurs elle qui a fondé le département des Arts plastiques au Cégep Beauce-Appalaches.

C’est lors de ses études au doctorat que Mme Giroux a été interpellée par la vidéopeinture qui est devenue son canevas.

« J’ai voulu faire un lien entre les œuvres impressionnistes et la vidéo. À cette époque, tout était austère, en noir et blanc. À l’Université d’ Ottawa, où j’ai été formée, la beauté était prohibée, dire qu’une œuvre était belle, c’était quasiment un reproche, et cela me révoltait », raconte l’artiste. « J’ai alors décidé de faire scandale et de présenter de belles œuvres », souligne-t-elle en souriant.

Les premières œuvres de Mme Giroux ont été exposées en 1989 dans un centre d’artistes à Montréal, un directeur lui a proposé d’apporter ses œuvres dans une galerie de Chicago, pour ensuite se retrouver dans une galerie de Paris, laquelle l’a représentée pendant plusieurs années.

Revisiter des modèles

L’artiste s’est fait connaître par son art conceptuel figuratif : des modèles vivants inspirés des grandes Vénus de l’histoire de l’art, des figures intemporelles féminines, représentées nues, signes de beauté et de désir.

Les peintres et sculpteurs du 19e siècle, Pablo Picasso, Camille Claudel et Auguste Rodin, ont inspiré la Beauceronne. « Le modèle au centre d’un atelier que l’artiste peint me fascinait, car sans modèle, il n’y a pas de tableau. La relation entre le modèle et l’artiste est importante. Pour ma part, mes modèles féminins étaient mes amies de l’université », ajoute Mme Giroux. Celle-ci a revisité des œuvres de grands artistes, mais elle tenait à faire ses propres mises en scène.

« Je n’avais pas de logiciels, mais j’avais une bonne caméra et je filmais ce que je voyais. Je ne retouchais pas mes couleurs, je faisais zéro montage. Je ne restais pas dans mon atelier, je sortais et je m’inspirais de la nature », mentionne l’artiste. « Aujourd’hui, j’utilise des logiciels, car ce que je fais maintenant est plus complexe ».

Les jardins de Claude Monet

La Beauceronne précise que sa démarche de création ressemble beaucoup à celle de Vincent van Gogh et celle de Claude Monet. Dans les années 1990, elle a délaissé l’art figuratif pour se tourner vers la nature et l’abstrait.

« Sur une période de quatre ans, non consécutifs, j’ai tourné des images des jardins de Claude Monet, à Giverny, en France. C’était le bonheur total, j’ai eu des permissions spéciales pour filmer là-bas, tôt le matin et tard le soir, après la visite des touristes. »

Projeter pour s’immerger

Durant la pandémie, Mme Giroux a été invitée à une résidence d’artistes à la Société des arts technologiques de Montréal. On lui a proposé de projeter sur des bâtiments.

« Je suis passée des télévisions de 21 et 26 pouces à des écrans de projection, j’ai changé de technologie et de formats, c’était un autre monde pour moi. »

Cet été, le public la (re)découvrira de manière grandiose avec sa toute dernière œuvre, Magnificat, qui sera projetée sur la façade et le parvis à l’avant de l’église de Saint-Georges, que le public pourra contempler sous différents angles.

« Cette œuvre est pour moi sacrée. Il n’y a pas beaucoup d’artistes – connus – qui se sont inspirés du Magnificat (une prière chantée par la Vierge Marie). Nous avons tous un sacré en nous que nous voulons rejoindre, indépendamment des croyances de chaque personne », conclut Mme Giroux, qui, après des années dans l’enseignement, vit de son art à Saint-Georges.