Les juges militaires sont suffisamment indépendants, selon la Cour suprême du Canada
OTTAWA — La garantie constitutionnelle d’indépendance et d’impartialité judiciaires n’est pas compromise pour les militaires qui comparaissent devant des juges militaires, a statué la Cour suprême du Canada.
Neuf membres des Forces armées canadiennes avaient fait appel dans différentes causes, en plaidant que les juges militaires pourraient avoir une «loyauté partagée» entre leur statut de juge et leur statut d’officier, au sein d’une chaîne de commandement.
Certains des juges militaires impliqués dans ces affaires avaient d’ailleurs reconnu qu’ils manquaient d’indépendance judiciaire, car ils pouvaient être vulnérables aux pressions d’officiers supérieurs.
Mais la Cour d’appel de la cour martiale du Canada n’avait pas partagé ce point de vue: elle a estimé que le système était suffisamment impartial et indépendant pour permettre aux militaires de bénéficier de procès justes et équitables.
La Cour suprême confirme vendredi cet avis, dans un arrêt à six contre une, et elle rejette les appels des neuf militaires.
Cette décision pourrait aussi débloquer des causes que les juges militaires avaient suspendues avant même d’aller à procès.
Le système de justice militaire du Canada fonctionne séparément des tribunaux civils, bien que les cours martiales peuvent juger les membres des Forces armées pour violations du droit militaire et du droit criminel.
«Des garanties suffisantes»
Écrivant au nom de la majorité à la Cour suprême, le juge Nicholas Kasirer a cité les protections légales existantes concernant la manière dont les juges militaires sont rémunérés, affectés à une cause ou punis pour des actes répréhensibles. «Ces questions sont à l’abri de toute ingérence non judiciaire par la chaîne de commandement», écrit le juge Kasirer.
Par exemple, c’est le cabinet fédéral qui a le pouvoir exclusif de révoquer les juges militaires — et seulement après recommandation du Comité d’enquête sur les juges militaires.
«Les garanties d’indépendance et d’impartialité des juges militaires sont suffisantes», lit-on dans l’arrêt de la Cour suprême.
«Le système de justice militaire canadien garantit pleinement l’indépendance judiciaire des juges militaires d’une manière qui tient compte du contexte militaire, et plus particulièrement des politiques législatives visant à maintenir la discipline, l’efficacité et le moral au sein des Forces armées ainsi que la confiance du public dans une armée disciplinée.»
La juge Andromache Karakatsanis, seule voix dissidente, a soutenu que l’indépendance judiciaire était effectivement compromise par le fait que les juges militaires peuvent toujours être poursuivis en justice par leurs supérieurs.
«Il n’existe pas suffisamment de séparation institutionnelle — ou d’indépendance — entre le rôle du pouvoir exécutif et celui du pouvoir judiciaire, écrit la juge Karakatsanis. Les membres des Forces armées canadiennes inculpés n’ont pas la garantie de subir un procès devant un tribunal indépendant et impartial (…) étant données les pressions exercées sur les juges militaires à titre de maillon de la chaîne de commandement.»