Je ne peux faire de don d’organes

Après le témoignage émouvant de cette dame qui vient d’être greffée du foie, il est difficile de ne pas se dire: «Ok… C’est évident, je dois signer ma carte!». J’ai franchement du mal à comprendre comment l’on peut passer à côté. C’est exactement comme s’arrêter aux feux rouges. Rien de plus clair et sensé.

Sauf que… Santé Canada ne veut pas, puisque je fais partie des «critères d’exclusions». Autant que les travailleurs/euses du sexe et les «junkies»,  je ne peux faire de don d’organe -ni de sang- puisque j’ai eu des relations homosexuelles dans les cinq dernières années. Même si mon conjoint et moi passons nos tests complets régulièrement, qu’il est mon unique partenaire sexuel depuis des années, et que nous ne prenons aucune drogue, pas même un joint à l’occasion.

Oui, Transplant Québec est ouvert: «Toute personne, peu importe l’âge, l’état de santé ou l’orientation sexuelle, peut être considérée comme donneur potentiel d’organes». Mais Santé Canada, en bout de ligne, nous prend pour des gens potentiellement dangereux.

Lors de l’apparition du VIH/SIDA, nous avons grandement été visés. 35 ans plus tard, nos droits ont changé, la sensibilisation à la protection a explosée et la société semble plus ouverte à notre réalité, mais il existe encore des préjugés forts à notre égard dans les Règlements de Santé Canada.

Le Règlement renvoie au document intitulé «Cellules, tissus et organes destinés à la transplantation et à la reproduction assistée: exigences générales». Cette norme générale contient les critères d’évaluation de l’admissibilité du donneur et établit les critères d’exclusion, dont: 

•les hommes qui ont eu des relations homosexuelles depuis cinq ans.

•les personnes qui ont reçu des injections intraveineuses, intramusculaires ou sous-cutanées non-médicales de drogues depuis cinq ans.

•les personnes qui ont eu des rapports sexuels en échange d’argent ou de drogues depuis cinq ans;

•les détenus.

En écrivant ceci, mon but n’est pas de me révolter contre le système ou encore contre Héma-Québec qui ont les mêmes restrictions. Mon «coming-out» a déjà été un combat en soit avec moi-même, je n’ai pas le goût de fracasser des murs et de crier injustice sur tous les toits pour les dons d’organes. Mais je pense que si, petit à petit, les gens s’informent des conditions sociales qui nous entourent, nous aurons peut-être un jour -vraiment- les mêmes droits et libertés que tout le monde. Parce que oui, je veux la signer, ma carte.

 

Jean-François Bolduc