Patrice Moore accroche son micro

Le journaliste Patrice Moore a mis un terme à une carrière de 45 ans à la radio, dont 42 en Beauce, le vendredi 7 juillet dernier à l’antenne de la station Cool-FM de Saint-Georges. Pour le principal intéressé, le moment était venu de tourner la page sur un domaine qui, au départ, n’était pas celui pour lequel il avait étudié.

Sa première émission s’est déroulée le jour de la Saint-Patrick en mars 1978, au micro de CJVL à Sainte-Marie. « J’avais 20 ans. C’était un vendredi soir et je rentrais pour faire un show de nuit. On s’était entraîné un peu avant, mais c’était pour de vrai cette fois-là. J’avais fait plein d’erreurs, je m’en souviens. C’est là que tu apprends. »

Cette carrière, quoique fructueuse, n’était toutefois pas inscrite à son agenda lorsqu’il était jeune adulte, lui qui était mécanicien de métier à ce moment. « C’est un hasard. J’ai toujours aimé la radio. Comme bien des petits gars à l’époque, j’écoutais la radio de cuisine. Je tripais là-dessus, mais je jugeais ça inatteignable. Un soir, un ami que je connais en faisait la fin de semaine pour s’amuser et il m’a suggéré d’auditionner. Je l’ai fait quelques semaines plus tard. »

Il ajoute que ce premier test s’est bien déroulé. « C’est Claude Thibodeau, qui était à Sainte-Marie à l’époque, qui m’avait fait passer l’audition. Il y avait aussi Jack Roy et Guy Corriveau qui étaient là aussi et on s’était mis à se pratiquer tous les trois. On nous avait dit qu’un poste de nuit ouvrirait bientôt et qu’un de nous trois irait. J’étais le p’tit gars de Saint-Bernard et eux étaient de Sainte-Marie, alors je n’y croyais pas vraiment en mes chances. »

L’appel attendu

Après quelques semaines d’attente, Patrice Moore explique s’être retrouvé en Floride pour y travailler. Un coup de fil de sa mère allait finalement tout changer. « J’ai été engagé. Je suis revenu pour un emploi de nuit, les fins de semaine. Sur semaine, je travaillais pour une compagnie d’asphaltage pour l’autoroute de la Beauce, dans le secteur de Scott. Je gagnais bien ma vie. J’ai ensuite fait des soirs et des après-midi de fin de semaine, et un temps plein de nuit sur semaine m’a été offert à peine quelques mois plus tard. Ça a été assez vite », se souvient-il.

Il était toutefois arrivé à un carrefour pendant cette période où il a dû faire un choix entre la radio ou une autre carrière. « Quand on m’a offert le poste de nuit la semaine, j’ai quitté mon emploi avec la compagnie d’asphaltage, même si je gagnais beaucoup plus. L’entreprise m’aimait bien, mais devait se déplacer en Alberta pour son prochain contrat. J’ai réfléchi et je ne me voyais pas 30 ans plus tard à faire cela encore. La radio, le train passait et il fallait que j’essaie. »

Au bout de deux ans et demi, il souhaitait toutefois changer de rythme. « Il fallait qu’il se passe quelque chose. Les propriétaires de l’époque (CFLS de Lévis) avaient choisi de créer un poste de journaliste sportif et ils connaissaient mon intérêt pour ça. »

Inutile de dire qu’il a rapidement fait sa niche dans le domaine par la suite. « Je couvrais les Nordiques, les Beaucerons et tous les clubs de la région. Les gens qui s’impliquent, s’impliquent dans tout, alors tu établis ton réseau de contacts assez rapidement. »

Il aura finalement travaillé plus de 20 ans à CJVL, jusqu’à sa fermeture peu avant l’an 2000, avant de faire le saut le saut à CHEQ-FM, lors son ouverture. Il a quitté un certain temps, au moment où la station connaissait des difficultés financières, faisant même un court séjour au Beauce Média pendant un certain temps. « J’ai vendu de la publicité pour le journal quelques mois. On m’a ensuite rappelé pour revenir à CHEQ-FM à l’époque de Jacques Poulin et Mario Paquin. »

Du nord au sud

Saint-Georges allait ensuite devenir son terrain de jeu pour les 17 années suivantes, après un épisode de quelques années à Québec, tout en maintenant son lieu de résidence à Sainte-Marie. « Je suis arrivé en 2006, j’y ai donc passé 17 ans. J’ai aussi fait un séjour au FM 93 à deux reprises comme recherchiste, d’abord, puis comme journaliste sportif, ensuite. J’aurais pu rester-là. »

Sa dernière émission en aura été une toute spéciale, avoue-t-il, l’animateur Gaston Cloutier ayant pris le temps d’inviter plusieurs personnes l’ayant côtoyé au cours de sa carrière. « Il avait appelé tout le monde. Il y a eu toutes sortes de témoignages, les députés sont venus me donner des cadeaux, plusieurs anciens collègues étaient impliqués, des policiers à qui je parlais régulièrement. Ce fut émotif par moment. »

Ainsi, Patrice Moore peut se targuer d’avoir été plus de 42 ans au micro d’une station de radio beauceronne. Une personne qui prétend que tout le monde connaît Patrice Moore en Beauce a peu de risque de se tromper, lui qui avait même tenté sa chance en politique fédérale en 2006, alors qu’il avait brigué les suffrages pour le Bloc Québécois.

« Promène-toi sur la rue et peut-être que tu peux en trouver », dit-il en riant. « Je reçois beaucoup de témoignages depuis quelques jours et je me rends compte que beaucoup de monde me connaît. Je veux répondre à tout le monde et j’en ai des centaines devant moi. Plusieurs m’apprécient, peut-être que certains ne m’aiment pas, ce qui serait normal. Je dis souvent que j’ai décrit notre société avec ce qu’elle a de beau, mais aussi de laid, trop souvent et il arrive que l’on écorche des gens, mais j’avais un travail à faire. »

Plein de souvenirs

Dans ses principaux souvenirs, plusieurs événements lui viennent en tête. Lorsqu’on lui parle de son implication à titre de journaliste, plusieurs faits saillants de sa carrière sont liés à des événements tristes. « Je ne peux pas passer à côté de l’assassinat du chef de police de Sainte-Marie, Denis Nadeau, en 1995. Je suis arrivé le premier sur place et je connaissais les personnes impliquées. Les inondations sont aussi des événements tristes et naturellement l’accident des Éboulements. J’ai été des deux côtés de la médaille, parce que je le vivais aussi de l’intérieur, ma mère étant décédée dans l’accident. Je suis allé à Lac-Mégantic aussi et d’avoir vécu un drame collectif m’a servi lors de mes rencontres avec les gens. »

Outre les entretiens avec des artistes ou des personnalités publiques, ce qui le rend surtout fier de sa carrière, c’est d’avoir aidé des gens à obtenir justice, dans plusieurs aspects de la vie. « J’ai rencontré des premiers ministres, des vedettes du hockey, des gens connus. C’est beau tout ça, mais quand quelqu’un vient te voir pour obtenir justice ou te raconter ses difficultés, le fait de les aider à avoir gain de cause a toujours été davantage revalorisant que tout le reste. Diriger des jeunes et leur transmettre ma passion de la radio est un autre élément positif de ma carrière et certains m’en remercient. »

Maintenant que le micro est fermé, que fera-t-il ? Saura-t-il arrêter ? « Quand c’est fini, c’est fini. Je suis présentement en sevrage. Je n’écoute ni ne lis rien. Je n’ai plus besoin de tribune. J’ai été privilégié de pouvoir dire aux gens les choses que j’aimais, de leur raconter l’actualité. Je ne veux plus être sur la place publique. Je veux une vie de famille avec mes petits-enfants et j’aurai des choses à régler. Je ne m’ennuierai pas et j’ai plein de projets. Je pourrai meubler l’année facilement », lance-t-il de manière convaincante, en conclusion.