Commotions : trop sérieux pour jouer à l’autruche
Professionnel de la santé impliqué dans le domaine sportif depuis 30 ans dans la région, je me dois de réagir à vos commentaires parus dans l’Éclaireur du 13 mai, sous le titre «Les commotions ont le dos large».
Tout d’abord, vous faites allusion à un «lobby antisportif», lobby enregistré chez aucun des organismes officiels responsables de lobbying. Deuxièmement, le fait de vouloir mieux encadrer les sports à risques de commotions cérébrales n’est pas un acte antisportif mais un acte logique basé sur les nombreuses évidences scientifiques actuelles qui invite à faire preuve de précautions. Les personnes impliquées régionalement afin de mettre en place des mesures pour bien encadrer les sports à risques de commotions cérébrales ont, au contraire, le sport très à cœur, et cela dans un environnement sécuritaire. Il faut à tout prix éviter que le sport, quel qu’il soit, détruise la santé physique et cognitive de nos enfants, à court et à long terme.
Vous dites que c’est à n’y rien comprendre : je vais tenter de vous expliquer simplement : Le phénomène des commotions cérébrales est complexe soit, mais certaines évidences sont faciles à comprendre par tous, particulièrement en relation avec le danger des contacts à la tête chez les jeunes :
-Un cerveau en développement présente des neurones plus à risque
-Une musculature du cou pas assez développée pour le poids de la tête
-Un risque accru après une première commotion
Selon vous, votre fils a passé au travers du programme antérieur de football «sans commotions et autres problèmes sérieux» et cela en fait un programme sécuritaire. Bien lui en fasse, car ce n’est malheureusement pas le cas pour de nombreux jeunes qui subissent les séquelles des commotions, et même parfois à leur insu.
Cette logique d’autruche va dans le même sens que celle des fumeurs qui affirment que la cigarette n’est pas nocive, parce que «mon père, un grand fumeur, n’a jamais eu de cancer du poumon». Pourtant, 20 % des fumeurs vont développer un cancer du poumon et la majorité des fumeurs auront des problèmes cardiovasculaires associés au tabac et autres cancers associés (oropharyngiens, etc.) qui les tueront.
Il en est de même pour les commotions cérébrales, 15 % des jeunes qui ont des commotions cérébrales auront des séquelles, qui souvent et fort malheureusement, se manifesteront que plus tard. À ce sujet, je vous invite à vous documenter sur l’encéphalite traumatique chronique.
Vous mentionnez aussi que «c’est lorsqu’on est jeune qu’on assimile les rudiments du sport». Sur ce point je suis en accord, le flag football par exemple, va permettre de faciliter beaucoup plus le développement des habilités de coordination et d’agilité même pour les joueurs de ligne, qualités qui sont devenues incontournables dans le football contemporain. Le temps semble révolu pour les grosses brutes sur la ligne qui se «rentraient dedans sans réfléchir». Cela s’apprend à tout âge.
Concernant le besoin des garçons de dépenser leur énergie, je suis tout à fait d’accord, mais j’ose espérer que vous ne croyez pas que le seul moyen de stimuler l’adrénaline peut se faire en pratiquant des sports de contacts.
En conclusion, je vous laisse avec vos propos en lien avec le fait que l’école est conçue sur mesure pour les filles et autres allusions en ce sens, que je ne partage pas. La responsabilité des écoles est d’encadrer de façon sécuritaire le développement de nos enfants (et de leur cerveau), autant pour les filles que pour les garçons.
Bernard Morin, physiothérapeute