Rencontre unique avec le juge Frank D’Amours
JUSTICE. Pour une rare occasion, le juge de la chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec, l’honorable Frank D’Amours, a accordé une entrevue au journal. Ce juge résident du district judiciaire de Beauce a accepté de démystifier son rôle auprès de la population.
Le juge D’Amours est né en 1968, à Rimouski, et a un frère. Alors qu’il avait à peine quatre mois, ses parents emménagent en Beauce, à Sainte-Marie. Par la suite, à ses 11 ans, sa famille et lui s’installent à Saint-Georges. Il a passé toute son enfance sur le territoire beauceron sauf une brève absence de trois ans sur la Côte-Nord. « Je dis souvent, je ne suis peut-être pas un jarret noir mais sûrement un jarret brun foncé », s’amuse-t-il à dire.
Ses parents n’occupaient aucune profession en lien avec le monde juridique. En effet, son père était fonctionnaire auprès d’un ministère et sa mère occupait un poste d’adjointe dans une institution financière.
Parcours académique
Le juge détient un diplôme d’études collégiales (D.E.C.) en sciences humaines du Séminaire de Saint-Georges (aujourd’hui Cégep Beauce-Appalaches). Il a obtenu son baccalauréat en droit de l’Université Laval, avec une mineure en politique, et a suivi la formation de l’École du Barreau du Québec.
Ses années d’avocat
En 1998, Me D’Amours débute sa profession auprès d’une firme d’avocats à Québec. Cinq ans plus tard, il se joint au cabinet Cain Lamarre. Il exercera, au départ, dans des dossiers civils et, par la suite, en droit pénal. En 2018, il devient procureur de la couronne fédérale auprès du Service des poursuites pénales du Canada, à Québec. « Pour moi, les dossiers les plus importants sont ceux où j’ai appris soit comme procureur ou être humain », déclare-t-il, humblement.
Juge de la Cour du Québec
En mars 2021, après une vingtaine d’années à être avocat, Me D’Amours est nommé juge de la chambre criminelle et pénale de la Cour du Québec. « Lorsqu’on est juge, on ne doit pas être en conflit ou en apparence de conflit d’intérêt. On doit s’en écarter », précise-t-il.
Il est juge résident du district judiciaire de Beauce et son bureau principal est au Palais de justice de Saint-Joseph. Le magistrat exerce également à Québec. Son horaire comprend la recherche (il est appuyé par un service de recherche de la Cour du Québec), une formation continue sur la jurisprudence et autres documents juridiques, l’analyse des témoignages et de la preuve, et bien sûr, il doit siéger au tribunal pour entendre les causes et prononcer des verdicts.
Son verdict
« Chaque décision a sa particularité. La jurisprudence va dire dans tel cas la fourchette des peines va de ceci à cela. Moi, je dois prendre en considération l’âge, le passé de l’accusé, ses capacités mentales et dans quelle condition a-t-il commis son acte », explique-t-il. Ce sont plusieurs éléments qui l’aident à prendre sa décision pour son verdict.
Le juge D’Amours considère sa charge au sein du système judiciaire avec beaucoup d’humilité et reconnaît qu’il a une grande responsabilité. Comment réagirait-il si l’un de ses verdicts devait être porté en cour d’appel ? « C’est prévu dans le Code, je n’ai pas à être insulté. Si une cour d’appel me disait que je me suis trompé, j’en prendrais note et j’apprendrais de cette décision-là. C’est tout ! », répond-t-il, modestement.
Selon lui, les gens, même s’ils ne sont pas satisfaits du résultat, au moins, ils repartent avec l’impression qu’ils ont été entendus, écoutés. Le système est là pour eux », affirme le juge. Il précise qu’il est un humain, pas une machine à rendre des décisions. « Parfois, je pourrais penser qu’il [l’accusé] l’a fait, parfois, je pourrais en être pas mal certain, parfois même, je pourrais dire qu’il l’a fait. Mais, je dois être convaincu hors de tout doute raisonnable pour conclure à sa culpabilité. C’est ça le système qu’on s’est donné », ajoute-t-il.
L’homme derrière le juge
Frank D’Amours est père de quatre enfants. Il affirme être un mari et un père avant d’être un juge.
Jusqu’à maintenant, il n’a jamais vécu de sérieuses agressions dans l’exercice de ses fonctions. « En salle de cour, on m’a déjà intimidé verbalement », se souvient-il. En cas d’escalade des tensions, il serait protégé par la Sûreté du Québec.
Lorsqu’il retourne à la vie « normale », il se réfugie dans sa campagne, pas loin d’un lac. Pour se détendre, il pratique le golf ainsi que le ski ou encore fait du bateau. « Dans mon village, les gens n’ont pas de titre, ils ont des surnoms. Quand on parle d’un rang, on ne parle pas d’un rang social mais du rang à la truite par exemple », conclut-il à la blague.