Exploration par des prospecteurs amateurs: les propriétaires privés invités à ouvrir l’œil
MINES. Consultant en exploitation minière œuvrant dans le domaine depuis près de 30 ans, Dany Boilard de Sainte-Justine dénonce la présence d’un nombre grandissant de personnes qui, munies d’une carte de prospecteur émise par le ministère des Ressources naturelles, arpentent les cours d’eau de la région à la recherche d’or sans détenir de claims miniers ou avoir eu l’approbation des propriétaires concernés.
« Cela fait cinq ou six ans que ce phénomène est apparu.S’il était très marginal au départ, celui-ci a tellement pris d’ampleur que ça dérange souvent les propriétaires des terrains concernés, sans oublier les voisins », déplore M. Boilard qui ajoute que si la prospection suscite de plus en plus d’intérêt chez ces prospecteurs dits amateurs, cette carte de prospecteur ne donne pas tous les droits à leurs détenteurs.
« Plusieurs d’entre eux la montrent aux propriétaires privés en leur disant qu’ils ne peuvent pas les empêcher de passer, ce qui n’est pas vrai », poursuit M. Boilard qui ajoute que le seul droit que leur donne une telle carte est d’aller sur les terres publiques dans le nord du Québec pour aller prospecter et voir s’il y a de quoi d’intéressant, pour ensuite tenter d’obtenir des claims miniers.
M. Boilard s’élève également contre le fait que certains de ces détenteurs de cartes auraient menacé des propriétaires privés qui, selon lui, ne sont pas toujours au courant de leurs droits. Il rappelle que si un terrain ou un territoire quelconque fait déjà l’objet de claims miniers, personne n’a le droit d’aller y prospecter, car c’est doublement illégal.
Protéger les cours d’eau
M. Boilard dit également avoir rencontré un propriétaire privé qui lui a raconté avoir découvert des prospecteurs qui s’étaient installés sur son terrain avec leur foreuse flottante munie de pompes qui « siphonnaient » les côtés et le fonds de la rivière comme si de rien n’était. Il se plaint que ces prospecteurs amateurs creusent de gros trous sur le bord de la rivière, laissent tout traîner et repartent sans rien ramasser.
M. Boilard rappelle que toute entreprise qui se respecte et possède des claims miniers dans un secteur donné n’a pas le droit d’aller travailler dans les cours d’eau avec de la machinerie. « On n’a pas le droit de toucher au fond de la rivière. La seule chose que nous avons le droit de faire à ce moment, c’est de prendre un échantillon avec une chaudière ou un sac puis de l’envoyer dans un laboratoire indépendant pour analyse », mentionne-t-il en ajoutant que les mauvaises pratiques de certains nuisent à la réputation d’entreprises qui, comme la sienne ou celle de ses clients, effectuent des travaux d’exploration « dans le bon ordre et dans le respect des règles. »
Par ignorance ou non ?
Président et chef des Opérations chez Beauce Gold Fields (Champs d’or de la Beauce), Patrick Levasseur reconnait que le phénomène est présent dans la région. Il rappelle lui aussi que la seule personne qui a le droit de faire de l’exploration sur un territoire donné est celle qui détient le droit minier, qu’il s’agisse d’un privé ou d’une entreprise comme la sienne, et que les minéraux s’y trouvant appartiennent au détenteur de ce claim.
« Ce que je comprends de ces gens-là, c’est que ce sont des passionnés, comme nous, qui ne veulent pas nécessairement déranger. Ils aiment cela, c’est un passe-temps pour eux et ils aiment être en nature pour relaxer tout en cherchant quelque chose. Je comprends leur passion pour l’or. Si certains ne respectent pas les règles de façon consciente, la majorité le fait par ignorance de la loi », mentionne-t-il en ajoutant que s’il lui est arrivé de croiser des personnes qui s’étaient installées sur ses terrains ou d’autres où il possède des claims sans permission, celles-ci comprennent et partent lorsqu’on leur donne les explications nécessaires.
« Il y en a qui viennent sans permission et il y en a d’autres m’écrivent pour me le demander, mais la réponse demeure la même. Il faut se rappeler que le détenteur du claim doit avoir une entente écrite avec le propriétaire du terrain avant d’amorcer des travaux d’exploration », précise-t-il en rappelant lui aussi qu’il est interdit de travailler dans une rivière, ajoutant que la seule chose qui est permise est d’utiliser un sas ou une passoire qui ne « dérangent pas le fonds d’un cours d’eau. »