Je suis docteure et aujourd’hui je pleure

Je pleure parce que je ne sais plus où trouver l’empathie, moi qui normalement se donne corps et âme pour aider, soigner, soulager.

Je réalise à quel point mon cœur de mère, femme, fille, amie est intimement entremêlé à mon cœur de docteure. Et mon cœur de mère, femme, fille, amie pleure beaucoup ces temps-ci. Il s’éteint. Il a hâte de s’enivrer à nouveau, de danser, de chanter, de festoyer, de recommencer à vivre pleinement sa vie. Mais il comprend qu’il faut faire attention, rester sage, attendre que la tempête passe. En attendant, il pleure…

Fermez maintenant les yeux. Vous. Oui, vous qui jour après jour, malgré les consignes qui nous tombent dessus, vous qui criez haut et fort : « Moi la pandémie je m’en fout, je vis ma vie, tant pis ». Vous qui faites fis des règles et qui semez le virus partout sur votre passage.

Fermez les yeux…

Imaginez-vous un instant, le souffle court, l’air qui se fait rare dans vos poumons, vos pensées qui s’embrouillent. « Aidez-moi docteure, j’ai la COVID et je manque d’air. »

Dites-moi où mon cœur qui pleure doit puiser l’empathie nécessaire pour vous tendre la main, pour vous dire que je suis là, que ça va bien aller.

Car moi, je ne sais plus et ça me fait pleurer.

Mais ne vous en faites pas, je trouverai toujours la force nécessaire pour passer par-dessus les émotions qui me submergent quand je vous vois. Je suis forte, j’en suis capable. Qui plus est, c’est mon travail. Mais il faut vraiment que vous ouvriez les yeux, que vous fassiez aussi preuve d’empathie à mon égard et que vous compreniez que ce que vous me demandez d’accomplir devient vraiment de plus en plus difficile.

Dre Marie-Anne Gagnon, Saint-Georges

 

P.S. : Ce texte est aussi pour vous, mes collègues, amis, concitoyens. Vous tous qui pleurez en silence, mais qui continuez à tenir bon, à suivre les consignes. Vous qui attraperez peut-être malgré tout ce virus qui ravage notre monde. Sachez que c’est pour vous que je reste debout. Je sais que vous êtes là. Vous me donnez la force de continuer pour qu’enfin nos cœurs cessent de pleurer.